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Télécharger le bon de commande SI JE MOURAIS LA-BAS...[à paraître le 28 oct. 2011]

Cet ouvrage, unique dans l’histoire de Verfeil-sur-Seye, petit village du Tarn-et-Garonne, fait surgir à notre mémoire les noms familiers de ses fils morts à la guerre de 1914-1918. Le modeste monument de Verfeil, distinct de bien d’autres monuments aux morts par sa sobriété intemporelle, en porte le témoignage, tout comme les Petits Souvenirs de mon très cher Onésime mort pour la France le 1er octobre 1916, écrits avec la sincérité d’un bel amour maternel, par sa mère, Nathalie Bessède, épouse Hébrard ; puis les quatorze poèmes de deuil et huit poèmes patriotiques sous la plume du directeur de l’école de garçons de l’époque, Léon Bouysset. Deux ensembles à l’origine du présent ouvrage, auxquels nous avons joint des extraits de lettres à ses parents d’un poilu survivant, Dieudonné Durand.
Lors, ne voulant pas reproduire sèchement ces trois écrits historiques, nous avons cherché à en savoir plus sur ces Verfeillais et, fouillant dans les diverses archives accessibles, familiales, civiles et militaires, nous avons tenté de reconstituer le plus fidèlement possible le parcours de ceux qui, partis aux moissons, avec l’espoir de revenir aux vendanges, ne revirent plus leur village, ou, si quelques-uns y revinrent, ce fut dans un cercueil.

Si je mourais là-bas..., de François et Frédéric MATHIEU, aux éditions Sebirot, ISBN 9782953272635, parution le 28 octobre 2011, dim. 16X24 cm, 320 pages, 78 photos et documents, 11 cartes, prix public de 23 €.
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Lazare Ponticelli (07-12-1897 / 12-03-2008, 110 ans)

Lazare Ponticelli est le dernier ancien combattant français connu de la Première Guerre mondiale. Il naît le 07 décembre 1897 à Bettola, dans le Nord de l'Italie. Sa famille est très pauvre et les parents ont bien du mal à nourrir les sept enfants (deux filles et cinq garçons). Le père Jean travaille sur les foires en servant d'intermédiaire dans les transactions de bétail. La mère s'occupe des enfants et exploite le petit lopin de terre familial. Les hivers sont rudes, et il faut parfois se contenter d'une maigre soupe aux herbes. Son frère aîné Pierre meurt de maladie en 1903, faute de pouvoir payer un médecin. Peu après son père Jean, surmené et affaibli par trop de privations, décède à son tour. La famille ne peut rester sur place, sans ressources. Il faut émigrer en France pour trouver du travail. Lazare reste seul au village, car l'argent manque pour payer son billet de transport ; il est alors placé dans une famille que connaît sa sœur aînée. Il y est berger et garde un troupeau de brebis toute la journée. Il rêve de rejoindre sa famille maintenant installée à Nogent-sur-Marne. Mais il lui faut de l'argent pour payer le billet : pour cela Lazare vend sur le marché des grives qu'il capture dans la campagne. Habile de ses mains il se confectionne une paire de souliers en vue du grand départ. En 1907, ses économies sont suffisantes pour tenter l'aventure sur Paris ; il a juste neuf ans, est seul, et ne connaît aucun mot de français !

Arrivé sur Paris, il est recueilli par un couple d'hôteliers italiens, les Colombo dont l'hôtel est situé juste en face de la Gare de Lyon. Il y reste durant 8 mois, aide à l'hôtel, et rend des services aux commerçants du quartier. Il parle maintenant le français mais avec un fort accent. En 1908, à l'âge de 10 ans, il quitte les Colombo et rejoint Nogent-sur-Marne. Les premiers mois sont difficiles : il couche dehors et vit de quelques services rendus aux commerçants. Il parvient à se loger et, en 1911, obtient enfin son permis de travail. Son premier emploi consiste à livrer du charbon aux clients. En mars 1913, Lazare Ponticelli lance avec un ami de son âge, Pierre Pécuri, une entreprise de ramonage de cheminées. Les affaires démarrent bien, mais l'arrivée de la guerre fait chuter le nombre de clients. Il n'y a plus de travail, plus d'italiens (retournés au pays), plus de ravitaillement, plus rien. Sans ressource, il s'engage dans la Légion qui recrute en masse pour la guerre qui commence (pas question pour Lazare de retourner en Italie où on y meurt de faim, surtout dans les zones montagneuses de sa région natale).

Lazare Ponticelli aux cérémonies du 11 Novembre 2006Nous sommes au début de l'été 1914 et, Lazare Ponticelli, se présente à la caserne du premier régiment de marche étranger, boulevard Richard Lenoir à Paris (il refuse d'être incorporé dans l'Armée de Garibaldi car il veut absolument combattre dans un régiment appartenant à la France). Il renoue contact avec son frère Céleste qui, lui aussi, souhaite s'engager dans la Légion. Les deux frères sont mobilisés en même temps et rejoignent Nîmes pour deux semaines d'instruction. Ils reçoivent quinze jours de complément de formation militaire dans la région d'Avignon. Ils sont alors envoyés au front, vers Soisson. La bataille y fait rage. Son frère Céleste est blessé, à ses côtés, au Chemin des Dames : c'est Lazare qui lui prodigue les premiers soins. Les combats sont terribles et nombreux sont les camarades qui tombent morts ou blessés. Certains, encore en vie, restent coincés dans le no man's land entre les deux lignes : les brancardiers ne veulent pas prendre le risque d'aller les chercher. Une fois, peu après une attaque en Argonne, Lazare n'en pouvant plus d'entendre les cries d'un camarade agonisant entre les lignes, prend le risque d'aller le chercher. Durant cette nuit, il sauve la vie de deux soldats : un Allemand blessé, père de deux enfants, qu'il parvient à ramener dans la tranchée allemande ; un soldat français, blessé par un éclat d'obus à la jambe, père de quatre enfants, qu'il tire jusqu'à la tranchée française. Les conditions de vie au front sont dures : l'eau, la boue, les rats… Lazare Ponticelli combat ainsi à Soisson (au Chemin des Dames), en Argonne, à Verdun (Douaumont,…). Le fort de Douaumont, tenu par des français, est encerclé par les Allemands. Le bataillon de Lazare Ponticelli est envoyé à l'attaque, avec pour objectif de le libérer. Les Allemands sont mis en fuite. Les troupes françaises se trouvent un instant face à face : ordre est donné au bataillon de Lazare de cesser de tirer.

Monsieur Ponticelli reçoit le diplôme et la médaille de la ville par le Maire de Bettola [le 04 février 2006, Mairie de Nogent sur Marne]Lors de l'entrée en guerre de l'Italie en mai 1915, Lazare Ponticelli est encore à Verdun, dans les tranchées. La France le démobilise et le met à disposition de son pays natal. Mais il refuse de rejoindre l'Italie et Turin : il retourne à Paris. Durant six semaines, avec son frère, ils vont travailler à monter des cheminées et des réservoirs. Fin 1915, il doit rejoindre l'Italie pour participer aux combats contre l'Empire d'Autriche-Hongrie. Ce sont les gendarmes qui l'obligeront à quitter la France et qui, par la force, l'amèneront à Turin. Il est incorporé dans la 159ème Compagnie militaire du 3ème régiment de chasseurs alpins italiens. Le temps de constituer le bataillon à Susa (une ville des Alpes située au pied du Lac du Mont-Cenis), il part combattre au Mont Pal Piccolo, dans le Tyrol (son expérience de la guerre le dispense de la période de formation militaire). Il participe à un épisode de fraternisation entre soldats italiens et soldats austro-hongrois, à Pal Piccolo, en pleine montagne. Durant plus de trois semaines les hommes des deux camps ne se tirent plus dessus : ils échangent des aliments et effectuent des rondes mixtes, sur la ligne de front. La fraternisation s'étend. Les officiers autrichiens et italiens se réunissent : sa compagnie passe en conseil de guerre. Lazare Ponticelli et ses compagnons risquent le peloton d'exécution. Mais ils sont réaffectés sur le Monte Cucco (en Slovénie actuelle) face à une compagnie autrichienne d'élite. Lors des attaques il doit faire face aux gaz et balles adverses ; les morts italiens sont nombreux. Il parvient, au bout d'une journée de tirs incessants avec sa mitrailleuse FIAT, à conquérir une portion de tranchée ennemie : 250 Autrichiens sont fait prisonniers ; Lazare est blessé au visage par un éclat. La blessure est bien infectée. Le chirurgien doit intervenir au plus vite. Ponticelli est opéré sans anesthésie : quatre de ses camarades doivent le tenir. Après une période de convalescence dans la région de Naples, il repart au combat au cours de l'année 1918. Les Autrichiens reculent. Des troupes françaises combattent maintenant aux côtés des Italiens. Un soir, des Français sont attaqués par des soldats autrichiens. Lazare les couvre avec sa mitrailleuse. Cette action lui vaut la Médaille du Roi, la plus haute distinction de l'Armée italienne. Il apprend la signature de l'Armistice lors d'une attaque à Monte Grappa : Italiens et Autrichiens lèvent les bras, ils sont fous de joie.

Après la guerre, il participe à des missions de sécurité intérieure en Italie. Il est démobilisé en 1920 et retourne à Paris chez son frère Céleste. Avec leur troisième frère Bonfils, ils sont employés au montage/ démontage de cuves et de cheminées. En 1921, Lazare, Céleste et Bonfils créent leur société " Ponticelli frères ", une société de fumisterie. Ils installent leur atelier à Paris, rue Damesnes, puis au 69 de l'Avenue d'Ivry, dans le 13ème arrondissement. Les chantiers se succèdent : ravalement de cheminée d'usine, montage et démontage de cheminée,… Lazare Ponticelli se marie avec Clara, une française, au cours de l'été 1923. Ils auront trois enfants. L'activité de la société se diversifie : montage d'unité de stockage pétrolière, vérifications de chaudières,… Lazare a en charge la direction de l'atelier de l'avenue d'Ivry. La société prend de l'essor dans les années 30 avec l'obligation de raffiner sur le territoire national : les contrats de construction d'usines et de cheminées de raffinage se multiplient. En 1938, Lazare Ponticelli a la douleur de perdre son jeune fils Jean. En 1939, les trois frères obtiennent la nationalité française par naturalisation. En mai 1940, Lazare et sa famille partent en exode dans le sud de la France, à Berre : l'armée allemande approchait en effet dangereusement de la capitale. Fin 42, Lazare obtient un laissez-passer pour Paris. L'activité y est fort réduite. Il est blessé sur un chantier par un madrier qui le heurte à la tête. Il en garde la marque à l'arrière du crâne. Il détourne vers Beaumont (France) des wagons d'obus destinés à l'Allemagne. Lors de la libération de Paris il aide les FFI en mettant à leur disposition les véhicules de la société ; il aide également à blinder les portes et confectionne des cocktails Molotov.

Après la guerre les commandes reprennent, et il y a beaucoup de travail de reconstruction. La société " Ponticelli frères " décroche des contrats avec Béghin, pour monter des cuves de récupération de sucre. Avec l'aide financière américaine, l'industrie pétrolière française se reconstruit. Au début des années 50, le groupe Ponticelli voit le jour avec la création de la société Pontic, spécialisée dans la tuyauterie industrielle. Cette dernière décroche des contrats d'installation de tuyauteries thermiques et pétrolières : beaucoup d'unités de raffinage du pétrole voient le jour. En 1955, les bureaux de "Ponticelli Frères" sont transférés à Vitry-sur-Seine. Lazare Ponticelli s'occupe maintenant de la gestion des matériels de l'entreprise ; il prend sa retraite au début des années 1960.
La société " Ponticelli Frères " est aujourd'hui une des plus importantes sociétés de levage et de tuyauterie industrielle en France : elle emploie plus de 2000 salariés à travers le territoire national.

Lazare Ponticelli aux cérémonies du 11 Novembre 2006A 110 ans, Lazare Ponticelli vivait chez sa fille, au Kremlin Bicêtre. Il aimait à livrer son témoignage aux personnes qui le visitaient :
- " Nous avons fait une guerre sans savoir pourquoi nous la faisions. Pourquoi se tirer dessus alors qu'on ne se connaît pas ? Il y avait des gens qui avaient des familles à nourrir".
Lazare Ponticelli aux cérémonies du 11 Novembre 2006- " Avant de passer à l'attaque, les camarades et moi on se disait : si je meurs tu penseras à moi. C'est pour ça que, depuis que la guerre est terminée, je vais tous les 11 Novembre au monument aux morts ."
- " J'ai tout appris de quatre à sept ans et, ce que mon père m'a dit, je ne l'ai jamais oublié : avec le courage on arrive toujours à ses fins ; bien sûre on vit des mauvais moments, mais aussi des bons."
Conscient d'être un des derniers témoins de cette époque, il écrivit ses mémoires pour les futures générations dans un ouvrage publié par la Ville du Kremlin Bicêtre (1).
Monsieur Ponticelli était chevalier de la Légion d'honneur au titre d'ancien combattant de la guerre 14-18. Il était également un des trois derniers vétérans italiens de la Grande Guerre. Jusqu'en 2006 [lien] et 2007 [lien] , il participa aux cérémonies du 11 novembre.

[Article rédigé en décembre 2006 par Frédéric Mathieu, mis à jour le 12 mars 2008]

(1) Ponticelli Frères, les premières années, de Lazare Ponticelli, éd. Le Kremlin Bicêtre, 2005, 177 p.,10 €.

Lazare Ponticelli peu après les cérémonies du 19 février 2006 à Nogent/Marne, devant le monument aux morts de la ville.
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