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Jean Grelaud est né le 26 octobre 1898 à
Paris, dans le 7ème arrondissement. Particulièrement instruit,
il sera stagiaire à la Banque de France avant de devenir agent
commercial. Avant sa mobilisation, il habite le domicile familial,
rue Sainte-Dominique (Paris 7ème). Jean est un homme de "
petite taille " (1,61m), ses yeux gris bleus ressortent de
son visage ovale avec ses cheveux châtains.
Résidant le 7ème arrondissement, il est rattaché
au 2ème bureau militaire de Paris. Né en 1898, il appartient
à la classe 1918. Mais les besoins importants en soldats (la
grande bataille de Verdun vient de s'achever) font qu'il est
mobilisé dès l'âge de 19 ans, le 10 mars 1917, comme simple
soldat de première classe. Sous le matricule 635 il intègre
le 31ème Régiment d'Infanterie, un régiment constitué de parisiens
; le 31ème appartient à la 10e Division d'Infanterie et au
5e Corps d'Armée . Jean Grelaud arrive au corps le 14 mars
1917. Après quelques mois de formation militaire il part au
front.
En août 1917 son régiment est engagé dans
une grande offensive sur Verdun pour dégager la côte 304 et
la tranchée de Hambourg. Nous n'avons pas confirmation de
la participation de Jean Grelaud à cette offensive ; si cela
était, il deviendrait alors un des deux derniers vétérans
français (avec Lazare Ponticelli) a avoir été présent sur
le front de Verdun.
En mars 1918, le 31ème Régiment d'Infanterie
de Monsieur Grelaud stationne à Compiègne. Le 21 mars, une
offensive allemande d'envergure transperce, entre Arras et
La Fère, les 3ème et 5ème armées britanniques. La situation
est grave, il faut soutenir les britanniques et stopper l'avancée
allemande. Pétain ordonne au général Pellé, commandant le
5e Corps, d'embarquer ses unités. Le 31ème RI est ainsi envoyé
au " casse-pipe " dans la Région de Noyon (22 mars). Avec
un admirable esprit de sacrifice, les compagnies parfois isolées
se lancent au-devant des masses allemandes à la baïonnette.
Les combats terribles, dureront jusqu'au 29 mars : l'Armée
allemande sera enfin stoppée après une avancée de 65km en
profondeur et 80km en largeur. Là aussi nous n'avons pas confirmation
de la présence de Jean Grelaud à cette bataille, mais deux
éléments méritent attention. On sait d'une part que Jean Grelaud
passe le 23 juin 1918 au 131ème Régiment d'Infanterie, un
régiment appartenant toujours au 5ème Corps d'Armée, mais
constitué d'hommes venant d'Orléans et de Pithiviers. L'explication
la plus plausible est que Jean Grelaud fut auparavant blessé
ou malade, envoyé en convalescence, puis affecté à un régiment
de la même région militaire (le 131ème). Or, nous savons que
durant la guerre, Jean Grelaud fut grièvement gazé et que
selon les médecins de l'époque il ne lui restait que 6 mois
à vivre. D'autre part, durant la Bataille de Noyon furent
utilisés une grande quantité d'obus toxiques nouveaux bourrés
d'ypérite. Tous ces éléments vont dans le sens de l'explication
suivante : Jean Grelaud, lors de la Bataille de Noyon en mars
1918 aurait été grièvement gazé à l'Ypérite ; envoyé en convalescence,
il aurait été transféré au 131ème RI trois mois plus tard
après rétablissement.
Juillet 1918, les observations aériennes
des alliés faisant état d'importantes accumulations de troupes
et de matériels entre Longpont et l'Argonne, font craindre
le déclenchement d'une vaste offensive allemande sur ce secteur
du front. En effet, le 15 juillet à minuit, une préparation
d'artillerie, avec obus toxiques et large emploi d'ypérite,
ébranlent le sol sur plusieurs centaines de kilomètres. Les
1ère, 3ème, 7ème Armées allemandes passent à l'attaque (soit
35 divisions en premières lignes !). La plus grande bataille
de tous les temps, la deuxième Bataille de la Marne, commence.
Monsieur Grelaud et le 131ème sont aux avant-postes, entre
Dormans et Château-Thierry. Les méandres de la Marne constituent
ici la ligne de Front. La compagnie de Jean Grelaud se situe
plus précisément au village de Varennes qui fait face à celui
de Jaulgonne, tenu par les allemands. La Marne les sépare
et, le vieux pont de pierre qui assurait auparavant la liaison
entre les deux villages n'est plus qu'amas de pierres. La
préparation d'artillerie commence le 14 au soir vers minuit,
et l'attaque se déclenche le 15 juillet à 1h20. Pendant la
nuit, l'ennemi jette des ponts et des passerelles, sur la
Marne, en face notamment du village de Jaulgonne. La compagnie
de Jean Grelaud est aux " premières loges " et voit aussitôt
déferler le flot incessant de troupes allemandes. Les combats
sont durs et inégaux : Jean Grelaud est rapidement fait prisonnier
avant l'aube, en plein village de Varennes. Il est alors conduit
dans un camp de prisonnier français, en Belgique. Il y restera
jusqu'à l'armistice et sera rapatrié sur la France le 21 novembre
1918.
Le 31 mars 1919 il passe à la 22ème section
d'Infirmiers. Il devient caporal le 1er mai 1919, et passe
sergent le 16 octobre 1919. Il revient à la vie civile en
mars 1920, reçoit la médaille interalliée le 22 septembre
1936. Il participe également à la seconde guerre mondiale.
On ne sait que peu de choses sur la vie de
Jean Grelaud. Doté d'une force de caractère peu commune, il
a toujours refusé les interviews (exceptée celle de
tf1 en nov. 2006). Les éléments exposés dans cet article sont
le fruit d'un travail inédit de recherche (en archives, et
auprès de rares personnes l'ayant connu). Monsieur Grelaud
habitait Paris depuis toujours (le 13ème arrondissement, à
la fin de ses jours). Marié, il a très tôt la douleur de perdre
sa femme. Il entame alors une longue vie d'homme seul, se
refusant toujours à évoquer sa vie de " Poilu ". La vie passe,
la retraite arrive, et la forme est toujours là, étonnamment
là. A 100 ans il sort tous les jours de chez lui pour faire
ses courses au Monoprix du quartier, et faire son tour du
square. La tenue est impeccable, avec son costume, sa cravate,
sa chemise blanche. Toujours bien rasé et parfumé, il n'hésite
pas à tenir conversation avec ses voisins. Il y a quelques
années, il offrait encore volontiers ses services pour porter
le sac de dames pourtant bien plus jeunes que lui.
Pour ses 100 ans une fête est organisée en son honneur dans
la cour de son immeuble. Il y est présent et semble touché
par cette marque d'attention de la part de son voisinage.
Encore vif et alerte, il y bavardait avec les invités.
Mais la canicule d'août 2003 l'affaiblit : ses sorties étaient
devenues moins fréquentes. Aimant toujours bien plaisanter,
il s'intéressait volontiers à l'actualité. En novembre 2005,
Paris Match publiait une photo inédite de lui (pour un photomontage
regroupant les six derniers Poilus). En nov. 2006, il accordait
une première interview au journal de TF1 ; en 2007,
une équipe de France Télévision le rencontrait.
Depuis la disparition de Léon Weil
en juin 2006, Monsieur Grelaud était devenu le dernier
vétéran parisien de la Guerre de 14-18, et l'un des 3 derniers
en France. Il était Chevalier de la légion d'Honneur
à titre d'ancien combattant de la guerre 14-18.
[Rédigé le 23 juin 2006 et
modifié le 05 mars 2007 par Frédéric
Mathieu]
(*) Frédéric MATHIEU, spécialiste des derniers
vétérans des guerres du Ier Empire et de 1870-71, est à l'initiative
du projet http://dersdesders.free.fr, projet évoquant les
derniers survivants de la Guerre de 14-18 à travers le monde.
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