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Télécharger le bon de commande SI JE MOURAIS LA-BAS...[à paraître le 28 oct. 2011]

Cet ouvrage, unique dans l’histoire de Verfeil-sur-Seye, petit village du Tarn-et-Garonne, fait surgir à notre mémoire les noms familiers de ses fils morts à la guerre de 1914-1918. Le modeste monument de Verfeil, distinct de bien d’autres monuments aux morts par sa sobriété intemporelle, en porte le témoignage, tout comme les Petits Souvenirs de mon très cher Onésime mort pour la France le 1er octobre 1916, écrits avec la sincérité d’un bel amour maternel, par sa mère, Nathalie Bessède, épouse Hébrard ; puis les quatorze poèmes de deuil et huit poèmes patriotiques sous la plume du directeur de l’école de garçons de l’époque, Léon Bouysset. Deux ensembles à l’origine du présent ouvrage, auxquels nous avons joint des extraits de lettres à ses parents d’un poilu survivant, Dieudonné Durand.
Lors, ne voulant pas reproduire sèchement ces trois écrits historiques, nous avons cherché à en savoir plus sur ces Verfeillais et, fouillant dans les diverses archives accessibles, familiales, civiles et militaires, nous avons tenté de reconstituer le plus fidèlement possible le parcours de ceux qui, partis aux moissons, avec l’espoir de revenir aux vendanges, ne revirent plus leur village, ou, si quelques-uns y revinrent, ce fut dans un cercueil.

Si je mourais là-bas..., de François et Frédéric MATHIEU, aux éditions Sebirot, ISBN 9782953272635, parution le 28 octobre 2011, dim. 16X24 cm, 320 pages, 78 photos et documents, 11 cartes, prix public de 23 €.
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Rencontre avec Delfino Borroni, l'un des derniers anciens combattants italiens de la Première Guerre mondiale (Italie, le 26 octobre 2007)
[Nous rappelons que le droit d'auteur s'applique à cet article]

Delfino Borroni habite depuis neuf ans une maison de retraite, dans le nord de l'Italie. Quinze minutes de marche à partir de la gare ferroviaire sont nécessaires pour y accéder. Notre parcours dans la ville est agréable car les maisons, constituées de briques et de marbre, sont magnifiques. L'encombrant matériel que nous transportons attire la curiosité des habitants que nous croisons. Nous ne passons pas inaperçu.
Au fond d'une impasse se dévoile le porche voûté marquant l'entrée de la maison de retraite. Une tête en bronze trône sur un pied de marbre. Au fond d'une petite place, sur la gauche, se trouve l'entrée du bâtiment : nous entrons par une large porte de verre. Le responsable de l'institution nous guide. Nous pénétrons aussitôt dans une grande pièce où nous attend Delfino Borroni et son fils. Un par un nous venons saluer le vieil homme. Delfino Borroni est aveugle et, chaque poignée de mains a son importance. Il est touché que nous soyons venus de France pour recueillir son témoignage. Nous installons rapidement le matériel (caméras, micros) et commençons à lui poser la première question, relative à sa jeunesse. D'une voix forte, Delfino Borroni prend la parole et nous raconte sa vie, avec précision et bien souvent avec émotion.

Delfino Borroni est originaire de Turago Bordone, un petit village situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Milan. Il y naît le 28 août 1898. Il a neuf frères et soeurs. La famille n'est pas riche et il doit très tôt travailler.
En 1915, l'Italie qui vient de s'allier à la Triple Entente entre en guerre contre l'empire d'Autriche-Hongrie. Delfino Borroni est incorporé en janvier 1917 dans le corps des Bersaglieri, un corps d'élite de l'infanterie italienne (ses soldats portent une plume distinctive sur leur chapeau). En mars 1917 il est envoyé en formation militaire à Castelfranco Emilia, non loin de Modène. Il effectue des manoeuvres d'entraînement en Toscane, au cours du mois de mai 1917.
Aussitôt après, son unité est envoyée au contact de l'ennemi, sur le haut plateau d'Asiago. La ligne de front est ici à plus de 1000 mètres d'altitude : Italiens et Austro-hongrois se font face par tout un réseau de tranchées. Delphino Borroni ne s'imagine pas ce qui l'attend. Les soldats italiens qu'il relève sont exténués. Il va très vite déchanter. Avec le neuvième bataillon, il est affecté au sud-est d'Asiago, dans la haute vallée de Posina, sur le Monte Maio. Ils y sont constamment la cible de tirs autrichiens (balles de mitrailleuse, obus d'artillerie, gaz).
L'équipement et les provisions font défaut : les masques a gaz sont peu efficaces ; la nourriture manque et est bien souvent rance ; l'eau est rare et putride. Delfino Borroni possède un ami toscan nommé Cioni Eliseo à qui il donne la nourriture qu'il ne parvient pas à avaler. Les épidémies apparaissent et se propagent parmi les soldats : manque d'hygiène et malnutrition en sont la cause. L'équipement de combat est sommaire : un fusil 91, deux grenades, une baïonnette à main. Lors des corps à corps, il leur arrive même d'utiliser des pelles.
Les yeux remplis de larmes, Delfino Borroni nous parle de son ami toscan Cioni Eliseo : lors d'une patrouille, il fut tué par un tireur d'élite autrichien. Ce type de drame était leur lot quotidien.
Lorsqu'ils attaquent, les Autrichiens se défendent en leur lançant des gaz. Manquant de masques protecteurs, Delfino raconte qu'avec ses camarades ils se couvraient la bouche et le nez avec de simples feuilles imbibées d'huile.
Son autre grand copain était Alfio Gullota, un sicilien de Catane à qui il apprenait à lire et à écrire.
En septembre 1917, Delfino Boroni est transféré sur le front oriental, dans le secteur de Cividale. Trop heureux de quitter l'enfer de Val Posina, il ne peut s'imaginer que ce qui l'attend est au moins tout aussi terrible.
Sa compagnie est alors commandée par un capitaine nommé Rosanna. Le 24 octobre, ils tentent une sortie en équipement léger (un chargeur, quatre paquets de munitions, deux grenades par homme) en direction de Caporetto. Les soldats italiens qu'ils croisent les avertissent de la présence d'Autrichiens et d'Allemands dans le secteur. La nuit, ils logent dans une ferme en altitude ; les châtaignes qu'ils y trouvent sont les bienvenues car leurs rations, composées de quatre galettes et de deux boîtes de viande par personne, sont bien maigres.
Le matin, ils peuvent apercevoir les cheminées de Caporetto et, au loin, le Monte Nero. Il y a du brouillard. L'ennemi est proche. Ils avancent la baïonnette au canon. Soudain, Mosconi Luigi, un sergent de Côme, donne l'ordre à Delfino Borroni de partir en éclaireur. Malgré la peur il obéit. Il sent la présence de l'ennemi tout autours de lui. Après avoir parcouru une centaine de mètres, une balle frappe son talon de chaussure. Il perd l'équilibre, tombe au sol, et se retrouve nez à nez avec deux Autrichiens morts. Les tirs de mitrailleuses pleuvent maintenant tout autours de lui. Il se protège comme il peut, derrière les corps des deux soldats. Durant de longues et interminables minutes Italiens et Autrichiens se répondent à coup de fusils et de mitrailleuses.
Le calme revenu, la vision qui apparaît à Delfino est apocalyptique : le sol est jonché de soldats morts ou blessés. Certains appellent leur mère puis se taisent, à jamais. En rampant entre les corps, il parvient à s'éloigner de la zone de tir. Il rejoint son unité qui n'en croit pas ses yeux en le voyant revenir vivant. Ne parvenant à cacher sa joie, son capitaine le prend dans ses bras.
Ils ne le savent pas encore mais, les troupes ennemies auxquelles ils viennent de se frotter, sont la tête avancée des quinze divisions allemandes et autrichiennes qui s'apprêtent à déferler sur l'Italie. Ce sera la célèbre bataille de Caporetto. L'armée italienne va y subir une de ses plus cinglantes défaites, et devoir reculer de plus de 130 km jusqu'au fleuve Piave.
Devant ce mur infranchissable, Delfino Borroni et sa compagnie battent en retraite et retournent à Cividale. Il y règne le chao le plus total (sa compagnie est complètement dispersée). Ils continuent leur marche vers l'ouest et atteignent le fleuve Torre le 28 octobre. Mais les Allemands les y attendent déjà et, Delfino est fait prisonnier. Un des soldats allemands menace même de le tuer. Ils rejoignent un groupe de prisonnier italien. Parmi eux, son capitaine Rosanna qui pleure de douleur : ses jambes sont criblées de balles. Delfino Borroni ne saura jamais ce qu'il deviendra.
Il est envoyé quelques jours dans un camp de prisonniers situé à Cividale. Puis, il est transféré à Pordenone : il participe à la réparation d'un pont enjambant le Tagliamento. Il est ensuite envoyé plus à l'ouest, à Vittorio Veneto : il creuse des tranchées.
Ce sont des soldats roumains qui le gardent maintenant. Profitant d'une baisse de leur vigilance, il parvient à s'échapper en compagnie de Turati Luigi, un camarade milanais. Après deux jours de cavale, ils parviennent à rejoindre une patrouille de la cavalerie italienne, dans la région de Spilimbergo. Ils se joignent à eux. En route, ils sont arrêtés par des tirs ennemis : ce sont des soldats hongrois barricadés dans une ferme. Après des pourparlers ces derniers acceptent de se rendre. Mais leur caporal est un peu récalcitrant. Un coup de poing le ramène à la raison et il rend enfin son pistolet à Delfino. Non sans difficultés, ils rejoignent les lignes italiennes. Delfino Borroni est ensuite envoyé en arrière.
A Piacenza, il se débarrasse du pistolet du caporal hongrois, pistolet qu'il avait conservé sur lui : il le jette dans le fleuve Po. C'est son dernier geste lié à la guerre.
Il finit d'accomplir son service militaire en Slovénie, en Autriche (à Villach), en Italie (à Gemona, non loin d'Udine). Delfino Borroni quitte les Bersaglieri en mai 1920.
En 1921, il est embauché comme machiniste pour une compagnie de tramway. Il travaille sur la ligne " Milan - Magenta - Castano Primo " avec un tramway à vapeur. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, son tramway est plusieurs fois la cible de tirs d'avions alliés. En retraite dès 1957, il occupe son temps libre à réparer des bicyclettes, sa grande passion.

Après deux heures d'entretien, Delfino Borroni souhaite encore poursuivre son récit. Conscient de l'effort que cela représente pour un homme de 109 ans, nous prenons la sage décision d'arrêter là. Car le témoignage que nous venons de recueillir est exceptionnel. Il ne reste encore en vie dans le monde qu'une dizaine d'hommes à avoir combattu dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Parmi eux, combien peuvent encore raconter ce qu'ils y ont vécu avec une telle force, précision ?
Que soient ici remerciés notre traductrice Valérie, et Pierre Malinowski à l'initiative de cette formidable rencontre.

[Rédigé le 1er novembre 2007 par Frédéric Mathieu]

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007





 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

 

 

 

 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

 

 

 

 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

 

 

 

 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

 

 

 

 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007





 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

 

 

 

 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

 

 

 

 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

 

 

 

 

 

Delfino Borroni, le 26 octobre 2007

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